PJLTerrorisme

Projet de loi renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme

Ce texte, défendu en procédure accélérée par le Ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve, vise à adopter différentes mesures afin d’entraver le développement du terrorisme en France.

Dangereux

Outre son inefficacité, ce texte est dangereux sur différents points, dont voici un extrait :

  • Interdiction de sortie du territoire en se basant sur un soupçon de participation à des activités des terroristes et confiscation des papiers d’identité,
  • Condamnation de l’apologie ou de la provocation d’actes terrorismes, avec une aggravation des peines lorsque ces propos sont tenus sur Internet,
  • L’apparition de la notion d’"Entreprise terroriste individuelle" en se basant au moins deux éléments tirés d’une liste permettant de statuer si oui ou non une personne souhaite passer à l’acte. Cette liste contient donc les faits de rechercher, de se procurer, de fabriquer des objets ou des substances de nature à créer un danger pour autrui,
  • Le blocage des sites internet par l’autorité administrative (et donc sans juge judiciaire) en se basant sur des critères flous, sous 24h par l’hébergeur et/ou l’éditeur et le cas échéant par le FAI. Les techniques poposées sont inefficaces et la liste des sites bloqués n’est pas publique.

Ainsi, la première séance de discussion à l’Assemblée Nationale a eu lieu lundi 15/09 à 17h, devant 15 à 20 députés, en débutant par l’intervention de B.Cazeneuve.

Présentation par Bernard Cazeneuve

Il se déclare touché par les critiques d’un article du journal Le Monde publié plus tôt dans la journée qui expose les dangers et l’inefficacité des mesures au sein du projet de loi :

J’ai lu aujourd’hui avec tristesse, dans un quotidien sérieux, que la personne mise en cause et l’avocat qui pourra l’assister ignoreront tout du contenu du dossier. C’est faux. Comme cela est déjà admis aujourd’hui dans le cadre de procédures d’expulsion, le dossier pourra comprendre des notes blanches réalisées à partir du travail des services de renseignement. Le contrôle juridictionnel s’attachera aux seuls éléments figurant dans ce dossier, déclassifiés, qui seront soumis au contradictoire. L’administration ne pourra se prévaloir devant le juge d’éléments classifiés qu’elle garderait par devers elle. Voilà quel est l’état du droit, qui est très différent de ce que j’ai pu lire. Il ne saurait donc être question d’un avocat alibi, sauf à soutenir que l’assistance d’un avocat est toujours inutile devant une administration accusée d’être arbitraire par nature.

Or comme inscrit dans l’article 1, la présence de l’avocat se fait effectivement seulement après que la décision ait été prise par l’autorité administrative. De plus, explique le Syndicat de la Magistrature via sa présidente Françoise Martres sur Médiapart, l’avocat ne pourra pas accéder à toutes les pièces du dossier et notamment les notes blanches transmises par les services concernés.

S’en suit alors la défense des mesures du projet dont celle du blocage des sites Internet… pour finir sur une citation de Lionel Jospin, déclarée il y a 13 ans au lendemain des attentats du 11 Septembre 2001.

Interventions des députés (citations prises au cours de la retransmission)

Tout au long de leurs interventions, les députés (excepté quelques cas particuliers) ont tenu des discours plus anxiogènes les uns que les autres, en employant du vocabulaire lié à certains passages sombres de l’histoire (Vichy, deuxième guerre mondiale…), exposant l’important décalage de ce projet de loi avec la réalité d’aujourd’hui et son dérapage concernant le respect des libertés fondamentales en qualifiant cette loi de “loi d’exception”… à durée illimitée.

Le rapporteur du texte (qui débute la prise de parole) Sébastien Pietrasanta énumère alors des cas meurtres, des statistiques, de l’importance des réseaux sociaux dans l’apologie du terrorisme..

Il explique également l’article 4 qui punit par trois ans d’emprisonnement tout propos tenu dans une sphère privée faisant “l’apologie” ou “la provocation” du terrorisme :

À l’article 4, la commission a élargi le champ d’application du délit de provocation au terrorisme, pour incriminer non seulement les propos publics, mais aussi les propos privés

M. Alain Marsaud

je crains que l’on ne soit en train de réinventer l’Hadopi du terrorisme.

Ou encore :

Vous avez passé huit minutes à rassurer, à vous justifier devant votre majorité en lui expliquant que vous n’étiez pas en train de vous asseoir sur les libertés individuelles et les libertés publiques. Mais ce n’est pas de cela que nous vous soupçonnons et ce n’est pas là le procès que nous vous ferons, bien au contraire. N’hésitez pas à vous asseoir dessus de temps à autre !

M. Meyer Habib

Il n’y a pas de bons et de mauvais terroristes !

(Une citation adaptée d’un film ?)

Mme. Marie-Françoise Bechtel

Une remarque à propos d’un amendement d’Alain Marsaud visant à criminaliser le fait de participer à des actions armées à l’extérieur du territoire :

C’est un amendement “anti-France libre”

Si la remarque me paraît pertinente, les termes employés ne sont pas neutres (plutôt rattachés à un vocabulaire de régime totalitaire) et montrent une nouvelle fois l’incroyable portée de ce projet de loi concernant les libertés individuelles.

La député pose alors la question des conséquences d’un tel amendement à l’époque de Pétain : Doit-on considérer les personnes ayant libéré la France du régime de Vichy comme terroristes ? Ce serait le cas notamment avec cet amendement.

que serait devenue la France de Pétain s’il n’y avait pas eu des gens pour participer à ces mêmes opérations armées à l’extérieur du territoire ?

M. Alain Tourret

Quant aux supports, tels les sites internet, ils constituent une nouvelle arme, dont la dangerosité est extrême parce qu’elle permet le prosélytisme, le recrutement des futurs terroristes.

M. Éric Ciotti

Notre pays est en guerre.

Ou encore :

Ce projet de loi va dans la bonne direction […] Face à cette situation de guerre.

Ainsi que :

La sécurité est la première des libertés […] Garantir nos libertés, c’est avant tout garantir cette sécurité.

Cette menace elle est extrême, elle est à nos portes.

Ensuite :

Ainsi, lorsque qu’une personne […] ne peut faire l’objet d’une incrimination prévue par le code pénal, mais qu’il existe des raisons sérieuses de penser qu’elle est susceptible de porter atteinte à la sécurité publique à son retour en France, il conviendrait de la placer dans un centre de rétention pluridisciplinaire afin qu’elle y suive un programme de déradicalisation.

Complété par ce tweet.

M. Jacques Myard

La réalité est simple et tragique, comme l’Histoire : nous sommes en guerre.

M. Xavier Bertrand

Il y a des gens qui veulent nous détruire, il faut les faire disparaître

M. Dominique Raimbourg

ce texte doit être voté. Il ne le sera pas de gaieté de cœur car, à l’évidence, il répond à une situation de guerre, mais il est nécessaire. Jamais la menace terroriste n’a été aussi importante

Ou encore :

Cette inversion est également nécessaire pour le blocage des sites internet. Je n’aborderai pas à ce propos la question de savoir si ce blocage peut être efficace ou s’il peut être contourné, car c’est là une discussion de spécialistes.

Suivi de :

En tout état de cause, la qualité du blocage est indépendante de la procédure appliquée.

M. Pierre Lellouche

Dès lors, toute personne se rendant à Istanbul dans un avion de Turkish Airlines ou d’Air France devrait faire l’objet d’une surveillance et nous devrions disposer d’une liste des passagers afin de savoir qui prend l’avion non seulement depuis Paris mais aussi depuis nos villes de province ou depuis Berlin.

M. Guillaume Larrivé

Nous ne devons pas nous soumettre aux juges de la CEDH

CEDH = Cour Européenne des Droits de l’Homme.

La suite ?

Ces extraits (il manque de nombreuses citations du même type, je n’ai pas eu le temps de toutes les noter…) sont tirés des deux premières discussions du texte. Il y en a 8 jusqu’au jeudi 18 Septembre.

Ces discussions ne rencontrent aucune opposition au sein de l’assemblée, mis à part quelques députés comme Laure de La Raudière ou Isabelle Attard, ne laissant que peu de doutes quand à l’avenir de ce texte, malgré les multiples failles de ce texte, et les atteintes aux libertés fondamentales.

Le projet de loi a été adopté jeudi à 11h49 :

Adopté